Les voyageurs de l'impériale
Avoir stupidement cru à quarante ans passés, à cette invention romanesque, à cette folie de l’amour. Il ne se le pardonnait pas. Ni aucune de ces pensées burlesques et délirantes auxquelles il s’était laissé aller. Tout d’un coup. Comme un nageur qui perd pied dans les rêves. Tout ce qu’il savait de la vie, toute l’expérience coûteuse des années, toute la science atroce des choses quotidiennes, il l’avait brusquement oublié, plus qu’oublié, mieux que désappris, plus profondément ignoré à nouveau que s’il ne l’avait jamais su. Négligeant les données pesantes de l’existence, comme des chaines tombées, il avait imaginé une aventure enfantine, un monde fantastique, ou Blanche et lui se rejoignaient comme dans les chansons, comme si les gens n’avaient pas été stupides, laids, menteurs, l’amour une chiennerie, la société un traquenard, un piège immense d’où l’on ne sort pas. ...